Troubles psychiatriques & Risques cardiovasculaires

Une bonne santé mentale fait partie intégrante de notre santé et de notre bien-être en général

Le nouveau gouvernement a pris une décision majeure en décrétant la santé mentale comme cause nationale de santé publique, un tournant historique qui place enfin le bien-être psychique au cœur des priorités nationales. Ce plan ambitieux vise à améliorer l’accès aux soins, à réduire les stigmatisations et à renforcer la prévention des troubles mentaux, touchant des millions de Français. En insistant sur l’importance d’une approche globale, il reconnaît les liens étroits entre la santé mentale et physique, ouvrant la voie à une prise en charge plus complète, notamment dans la lutte contre les risques cardiovasculaires associés.

Psychoses et risques Cardiovasculaires : un lien caché mais dangereux

Les maladies mentales graves, comme la schizophrénie et les troubles bipolaires, sont souvent abordées sous l’angle de la santé mentale, mais ce que l’on sait moins, c’est qu’elles impactent aussi fortement la santé physique. Un lien surprenant mais bien documenté relie les psychoses aux maladies cardiovasculaires, amplifiant ainsi le risque de crises cardiaques et d’AVC chez ces patients. Un cocktail explosif qui appelle à une prise de conscience urgente.

Quand le cœur pâtit du cerveau

Selon plusieurs études, les personnes souffrant de psychoses ont une espérance de vie réduite de 15 à 20 ans par rapport à la population générale, et cela s’explique en grande partie par un taux élevé de maladies cardiovasculaires. Une étude publiée dans The Lancet Psychiatry (2018) révèle que les troubles psychiatriques sont associés à une incidence plus élevée d’événements cardiovasculaires graves tels que les infarctus du myocarde et les AVC. Ce risque est particulièrement marqué dans les cinq premières années après le diagnostic.

De même, une étude rétrospective menée en 2015 par l’Université de Lorraine chez les patients hospitalisés pour trouble psychotique ou schizophrénie dans 5 hôpitaux psychiatriques français afin d’évaluer la prévalence des maladies cardiovasculaires dans cette population a conclu que les maladies cardiovasculaires sévères nécessitant une prise en charge hospitalière et les facteurs de risques cardiovasculaires sont fréquents chez les patients présentant un trouble psychotique ou une schizophrénie et se déclarent à un âge plus jeune que dans la population générale.

Mais pourquoi ce lien ? Plusieurs facteurs sont en jeu :

  1. Effets des médicaments antipsychotiques : S’ils sont essentiels au traitement des troubles mentaux, certains antipsychotiques de première et deuxième génération provoquent une prise de poids, augmentent le cholestérol et favorisent la résistance à l’insuline, augmentant ainsi le risque de diabète et d’hypertension. Ces conditions sont connues pour être des catalyseurs majeurs des maladies cardiovasculaires.
  2. Mode de vie : Les personnes atteintes de psychoses sont souvent plus sédentaires, ont une alimentation déséquilibrée et un accès limité aux soins préventifs. La dépression, fréquemment associée aux psychoses, peut également mener à des comportements à risque comme la consommation excessive de tabac et d’alcool, deux facteurs de risque cardiovasculaire majeurs.
  3. Inflammation chronique : Des recherches récentes, suggèrent que les troubles psychotiques provoquent une inflammation systémique, un facteur clé dans l’athérosclérose, maladie caractérisée par l’accumulation de plaques dans les artères. Cette inflammation chronique pourrait jouer un rôle direct dans le développement des maladies cardiovasculaires.

Des vies en jeu : l’inégalité face à la prévention

Le plus alarmant, c’est que la prévention des maladies cardiovasculaires est souvent négligée chez les patients souffrant de troubles psychotiques. Un rapport de The British Journal of Psychiatry souligne que ces patients sont moins souvent dépistés pour l’hypertension, le diabète, et autres facteurs de risque cardiaque que le reste de la population, malgré leur vulnérabilité accrue. Pourtant, des stratégies simples existent : la surveillance régulière du poids, du taux de sucre dans le sang et de la pression artérielle pourrait faire une grande différence.

Inverser la tendance

Le premier pas pour changer cette trajectoire ? Une meilleure sensibilisation, autant des soignants que des patients eux-mêmes. Les cardiologues et psychiatres doivent travailler main dans la main pour mettre en place des approches de soin intégrées. Il est urgent de généraliser des pratiques comme l’évaluation régulière des facteurs de risque cardiovasculaire, parallèlement au suivi psychiatrique.

Des initiatives existent déjà. En France, dans de nombreuses cliniques et hôpitaux psychiatriques l’activité physique est encouragée ainsi que l’accès à des séances de sport adaptée. En Australie, le programme Keeping the Body in Mind combine soins physiques et mentaux pour les patients souffrant de psychoses, incluant des séances d’exercice physique et un suivi nutritionnel. Les résultats sont encourageants : une réduction des hospitalisations et une amélioration des paramètres métaboliques ont été constatées.

En route vers une meilleure santé cardio-mentale

Il est temps de voir la santé mentale et la santé physique comme les deux faces d’une même pièce. Lutter contre les psychoses ne signifie pas seulement soigner l’esprit, mais aussi protéger le cœur. En intégrant des mesures de prévention cardiovasculaire au parcours de soins des personnes atteintes de psychoses, nous pouvons leur offrir non seulement des années de vie en plus, mais des années en meilleure santé.

Et si nous décidions d’ouvrir cette voie vers un avenir où chaque battement de cœur compte, même chez les plus vulnérables ?

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Sources :

  • Correll, C. U., et al. (2018). « Cardiovascular Disease Risk in Patients with Schizophrenia and Other Severe Mental Illnesses: A Review of the Evidence. » The Lancet Psychiatry.
  • De Hert, M., et al. (2011). « Cardiovascular Disease and Diabetes in People with Severe Mental Illness. » World Psychiatry.
  • Heald, A. H., et al. (2017). « Cardiometabolic Risk in Schizophrenia and the Role of Antipsychotics: What Does the Evidence Show? » Therapeutic Advances in Psychopharmacology.
  • https://hal.univ-lorraine.fr/hal-0329807