Le coeur des femmes enfin étudié
A l’issue de la remise à Daniel Vaiman, Directeur de Recherche Inserm, de la première bourse de recherche de 50 000 euros du « Programme Danièle Hermann – Coeurs de femmes » Véronique Radier journaliste santé à l’Obs revient sur cette avancée exceptionnelle. La première recherche française dédiée aux coeurs des femmes. Cet article est également à retrouver sur le site de l’Obs
Un prix entend lutter contre le sexisme de la recherche envers les pathologies cardiaques des femmes, pourtant de plus en plus mortelles.
Lorsqu’on dit crise cardiaque, on imagine un quinquagénaire surmené, avec des kilos en trop, transpirant sous l’effort. Pourtant les maladies du cœur sont aujourd’hui la première cause de mortalité chez les femmes de plus de 55 ans. Et si le cancer du sein est plus médiatisé, elles provoquent à elles seules la mort de dix fois plus de femmes.
Seulement voilà, on ne sait aujourd’hui rien ou presque de ces maladies cardiaques au féminin. Le programme de recherches « Danièle Hermann -Cœurs de femmes » de la Fondation Recherche Cardio-Vasculaire rattachée à l’Institut de France, né grâce à la générosité d’une malade aujourd’hui disparue, récompensa le vendredi 24 juin 2016 le premier programme sur une maladie cardio vasculaire propre aux femmes mené par Daniel Vaiman, directeur de recherches à l’Inserm. Il s’agit d’une étude sur la pré-éclampsie, une pathologie de la grossesse qui constitue un important facteur de risque pour ces maladies.
Pas de souris femelles
Car, cela paraît à peine croyable, mais il n’existe pas de travaux à ce jour sur les pathologies cardiaques propres aux femmes. Déjà, une étude canadienne de 2014 a démontré qu’en cas de crise cardiaque, celles-ci sont moins soignées que les hommes, les services hospitaliers ne pensent pas assez vite à cette hypothèse, leurs prescrivent moins d’examens et ont globalement tendance à prendre moins au sérieux leurs souffrances. Résultat : une plus forte mortalité pour elles. Mais elles sont aussi les victimes d’un sexisme méconnu dans les labos.
Nous en savons aujourd’hui beaucoup moins sur la santé des femmes que sur celle des hommes. La faute à un vieux préjugé qui remonte au XIXe siècle au moins, mais toujours vivace dans les labos de recherche.
Quel que soit l’objet de leurs travaux, les chercheurs préfèrent massivement… les mâles. Ce sexisme méconnu repose sur un préjugé : les souris ou rats femelles, cycles menstruels oblige, présenteraient des variations hormonales susceptibles de perturber inopinément les résultats. Or, une vaste méta-analyse conduite en 2014 par le ministère américain de la santé a pourtant démontré le contraire. Compilant de très nombreux travaux menés, cette étude a révélé les souris femelles ne présentent en réalité pas plus de variations dans ce domaine que leurs homologues mâles.
La ségrégation dans l’éprouvette
Mais les chercheurs ne s’en tiennent pas là, cette ségrégation dans l’éprouvette n’est pas réservée aux animaux de laboratoires. Même s’agissant de protocoles où sont utilisés des tissus vivants, ou de simples cellules, ils utilisent presque exclusivement celles porteuse du chromosome XY, et non des XX. Et dans l’industrie du médicament, lorsqu’il s’agit de tester tel ou tel nouveau traitement, là encore, il n’y en a, dans la plupart des cas, que pour les mâles.
Résultat, un incroyable déficit de connaissances dès qu’il s’agit de la santé des femmes et de ses particularités. Pourtant, hommes et femmes ne réagissent pas également aux maladies. Ainsi, la sclérose en plaques frappe bien davantage ces dernières. A l’inverse, sans que l’on sache pourquoi, les jeunes garçons sont quatre fois plus nombreux à souffrir d’un trouble autistique que les filles.
Certains travaux ont montré que les médicaments n’agissent pas de la même façon selon le sexe, notamment les somnifères ou les vaccins. Et les effets secondaires ne sont pas les mêmes chez l’homme et la femme.
Depuis octobre 2014, pour obtenir des crédits publics, les chercheurs américains sont tenus d’élaborer leurs expériences avec des animaux qui ne soient pas tous des mâles. Une directive imposée par deux directeurs du NIH (National Insitute of Health) et rendue publique dans une tribune dans le magazine « Nature ». Ceux-ci y annonçaient leur volonté de « transformer la façon dont on fait de la science ».
En France, une telle mesure n’a toujours pas été prise. Il serait grand temps !
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