Découvrez des extraits du manuscrit de Danièle !
Qu’est-ce que la maladie ? Que signifie-t-elle de profond ?
« Et si la maladie était une création au même titre que la peinture, la sculpture, la musique, l’écriture…
Ou encore si la peinture, la sculpture, la musique, l’écriture étaient des maladies différemment exprimées ?
La maladie serait alors l’oeuvre d’un créateur qui, à sa manière prenant son corps comme théâtre, s’utiliserait lui-même avec plus ou moins de talent. Pour exprimer ce qu’il a à exprimer. Il se mettrait en scène, dessinerait ses décors, écrierait sa prose, jouant sa pièce avec sa propre gestuel, faisant l’artiste jusqu’au bout.
-Tu n’as jamais été malade de ta vie. Tu es là tout étonné de ce qui t’arrive. Que cela même t’arrive. Tu n’y crois pas. Tu es dans l’étonnement, la colère. Pour toi, c’est ce que tu pouvais vivre de pire. La maladie. La douleur. Tu fonctionnes avec ce que l’on t’a appris d’elle, une description que tu tiens pour définitive. Une description avec en toile de fond la mort. Tu en parles avec tes émotions, avec la peur, avec la superstition, avec les idées des autres. Des idées de seconde main.
Comment, m’as-tu dit avec presque des cris, as-tu attrapé cela ? Penses-tu que l’on attrape cela, comme on attrape un poisson dans la rivière ? Dis-moi, le penses-tu ?
Et si la maladie était une des expressions de ce qui est essentiel en moi ?
A savoir, la pulsion de vie, la volonté d’un changement, d’une transformation, d’une mutation. Mais aussi le conflit, la culpabilité, la frustration. Le mal-être. Le bien et le mal. Le noir et le blanc ?
Bref, tout ce qui habite l’artiste. La matière avec laquelle il travaille et qu’il tente désespérément d’exprimer. De rejeter hors de lui, coûte que coûte.
Se peut-il ? Est-ce un choix ? Est-ce une liberté inconsciente ?
Des affections chroniques, des maladies soudaines ont-elles une même origine qu’un symptôme hystérique, qu’une névrose obsessionnelle ?
Est-ce que je me suis sortie de la morbidité, de la folie, qu’en contractant une maladie cardiaque ?
La maladie existe-t-elle seulement ou est-elle une manière d’évoluer, de se faire évoluer, d’avancer à tâtons, par bonds, par douleur ?
La maladie est-elle un rejet, une explosion, une façon d’éjecter de soi dans la violence, le plus loin possible, son mal, tout le mal du monde. Un mal souterrain, à peine soupçonné, à peine touché du doigt.
La maladie est-elle un langage ? Parole obscure par excellence. Mais parole du corps. La seule qui puisse être dite. Que longtemps je n’ai su dire que de cette manière.
Quelle est l’étymologie du mot « maladie », ce « mal à dire » ?
Le malade était celui qui avait du mal à dire quelque chose. Cette chose-là en lui. Son corps le disait à sa place, sous la forme d’une maladie. L’idée me semblait fascinante, comme souvent certaines idées. Elle me fascinait. Mais ce n’était qu’une idée.
Une idée parmi d’autres.
Est-ce une idée parmi d’autres ?
Est-ce ? »
Extrait du manuscrit de Danièle Hermann
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