La recherche pour le cœur des femmes

Projet de recherche du docteur Mathilde Keck sur la « régulation de la balance AVP/Apeline dans la pré-éclampsie ».

Mathilde Keck est biologiste et chercheuse au sein du Service d’Ingénierie Moléculaire pour la santé au CEA. Elle est la lauréate 2023 de la bourse de recherche « Danièle Hermann-cœurs de femmes » dotée de 30 000 euros et décernée à l’unanimité par les membres du jury.

Détail du projet de recherche : 

La pré-éclampsie est la plus grande pathologie de la grossesse dans le monde.
Elle concerne 10 % des grossesses et est associée à 10-15 % des décès maternels. En France, la pré-éclampsie est la 2e cause de décès maternel, après l’hémorragie périnatale, et elle est responsable d’1/3 des naissances prématurées. De plus, les femmes ayant souffert de pré-éclampsie et les enfants nés de femmes atteintes de pré-éclampsie ont un risque augmenté de développer des maladies cardiovasculaires qui constituent la première cause de mortalité dans le monde. Les femmes atteintes de pré-éclampsie sont diagnostiquées par la présence d’une hypertension artérielle et d’une quantité excessive de protéines dans les urines.

L’arginine-vasopressine (AVP) et l’apéline sont deux peptides qui ont des actions majeures et opposées dans la régulation de la pression artérielle et la conservation de l’équilibre hydrique de l’organisme. De façon intéressante, des études cliniques ont mis en évidence que les taux circulants d’AVP et d’apéline sont dérégulés chez les femmes atteintes de pré-éclampsie, suggérant fortement que l’AVP et l’apéline jouent un rôle dans cette pathologie.

Les objectifs de ce projet seront donc triples

  • À court terme, il vise à étudier la régulation des peptides AVP et Apéline chez les femmes atteintes de pré-éclampsie pendant la gestation.
  • À moyen terme, l’accent sera mis sur la compréhension du rôle de ces peptides dans la physiopathologie de la pré-éclampsie.

Enfin, à plus long terme, il permettra de valider une nouvelle approche pharmacologique afin de réduire la mortalité associée à la pré-éclampsie, la plus importante pathologie de la grossesse dans le monde, et de prévenir les risques cardio-vasculaires des mères et des enfants consécutifs à cette pathologie.


Keck

Photo : Michel Monsay

La parole au Docteur Mathilde Keck

Pouvez-nous dire quelques mots sur les projets de recherche cardio-vasculaire dont vous êtes fière ?

Mon travail au sein du laboratoire commun Inserm – Quantum Genomics constitue indéniablement un temps fort de ma carrière.J’ai participé au développement et à la caractérisation d’un nouvel agent antihypertenseur depuis la préclinique chez l’animal jusqu’en étude clinique de phase III chez l’Homme. Aujourd’hui, je suis très fière de développer un axe de recherche qui contribue au développement de nouveaux traitements de la pré-éclampsie. J’ai la chance d’être soutenue financièrement par 3 entités renommées : le CEA, l’ANR et la Fondation Recherche Cardio-Vasculaire.

En quoi cette bourse sera-t-elle utile à vos recherches ?

Cette bourse va permettre à mon équipe, dans un premier temps, de mesurer les taux d’AVP et d’apéline dans la circulation sanguine de femmes atteintes de pré-éclampsie à différents stades de leur grossesse (14 à 36 semaines de gestation), grâce à des études cliniques déjà constituées, afin de déterminer l’évolution des taux circulants de ces peptides au cours de la pathologie. Dans un second temps, cette bourse va aider mon équipe à étudier l’effet de l’AVP et l’apéline dans les différents mécanismes mis en jeu au cours de la vie placentaire afin de comprendre l’impact de leur dérégulation lors de la pré-éclampsie. Enfin, cette bourse va contribuer aux études d’efficacité chez le rongeur de traitement modulant les taux d’AVP et d’apéline dans un modèle expérimental de pré-éclampsie. 

On parle de plus en plus des pathologies cardio-vasculaires affectant les femmes, pourquoi cette prise de conscience a-t-elle été négligée ?

Les femmes sont, entre autre, victimes de leur émancipation sociétale, où elles sont confrontées à des obligations professionnelles et familiales qui les amènent à ne pas trouver le temps de prendre soin d’elles et qui les exposent à une hygiène de vie délétère. Cette situation est favorable au développement précoce des maladies cardio-vasculaires dont les femmes ont tendance à négliger les premiers symptômes, retardant ainsi leur prise en charge médicale qui intervient souvent trop tard. Enfin, pendant de nombreuses années, les recherches in vitro, in vivo et cliniques ont été conduites presque exclusivement sur des organismes modèles mâles, selon l’hypothèse erronée d’une simplicité au vu des variations hormonales. Par conséquent, certains médicaments ont été commercialisés en ayant été insuffisamment testés sur des organismes femelles et des femmes, les patientes déclarant alors des effets indésirables qui n’avaient pas ou peu été répertoriés lors des essais cliniques.

Télécharger le dossier de presse de la cérémonie de remise de la bourse de recherche