Nutrition
L’obésité infantile : un défi majeur pour notre siècle
L’obésité infantile représente un des défis majeurs
de santé publique mondiale au XXIe siècle
En seulement 40 ans, le nombre d’enfants et d’adolescents obèses a plus que décuplé, passant de 11 millions à 124 millions en 2016. S’y ajoutent quelques 216 millions d’enfants et d’adolescents en surpoids. Autrefois considérés comme un problème uniquement dans les pays à revenu élevé, le surpoids et l’obésité sont aujourd’hui en forte hausse dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, en particulier en milieu urbain.
En France, selon une enquête récente ObEpi-Roche initiée par les Laboratoires Roche 34 % des enfants de 2 à 7 ans et 21 % des 8-17 ans sont en situation de surpoids ou d’obésité.
L’obésité affecte 8,6 millions de Français
D’après une autre étude publiée par Santé publique France, la proportion d’enfants obèses a quasiment doublé durant la crise sanitaire. Les auteurs font l’hypothèse que les mesures prises contre le Covid-19 – confinement généralisé dans un premier temps, puis fermetures systématiques d’écoles dès qu’un cas était signalé – ont favorisé la prise de poids excessive chez les enfants. L’étude, note par ailleurs que les filles sont plus touchées que les garçons.
Qu’est-ce que l’obésité infantile ?
L’obésité infantile se définit comme un excès de masse grasse qui présente un risque pour la santé. Elle est calculée à partir de l’IMC (Indice de Masse Corporelle) et de l’âge.
Chez l’enfant, si l’IMC se calcule de la même manière que chez l’adulte elle s’interprète en revanche différemment. En effet, n’ayant pas atteint sa taille ni son poids définitif, il n’est pas possible de « classer » l’IMC obtenu dans une catégorie comme c’est le cas chez l’adulte. Il faut calculer l’IMC et le reporter sur une courbe de corpulence pour déterminer le type de corpulence de l’enfant et prévenir le surpoids et l’obésité. Les seuils utilisés pour calculer l’IMC de l’enfant sont ceux de l’International Obesity Task Force (IOTF).
4 critères sont importants pour calculer l’IMC chez l’enfant :
- La taille
- Le poids
- L’âge
- Le sexe
Comment interpréter le résultat d’IMC selon la définition de l’IOTF :
- IMC inférieur au centile IOTF-17 : maigreur
- IMC compris entre le centile IOTF-17 et le centile IOTF-25 : corpulence normale
- IMC entre le centile IOTF-25 et le centile IOTF-30 : surpoids (non obèse)
- IMC supérieur au centile IOTF-30 : obésité
Une injustice sociale
Les enfants d’ouvriers sont davantage touchés par le surpoids et l’obésité que les enfants de cadres. En effet, parmi les enfants d’ouvriers, 16 % en grande section de maternelle et 22 % en CM2 sont en surcharge pondérale, contre 7 % et 13 % parmi les enfants de cadre.
Un élément prédictif de l’obésité à l’âge adulte
L’obésité dans l’enfance est un élément prédictif de l’obésité à l’âge adulte : la probabilité qu’un enfant obèse le reste à l’âge adulte varie selon les études de 20 % à 50 % avant la puberté, et de 50 % à 70 % après la puberté.
Des conséquences graves sur la santé cardio-vasculaire
L’obésité peut entraîner dès l’enfance, des difficultés respiratoires et des troubles musculo-squelettiques mais aussi un risque accru de fractures.
Un facteur prédictif d’augmentation du risque cardiovasculaire et du risque de décès prématuré à l’âge adulte
A partir d’électrocardiogrammes, les scientifiques ont pu constater que plus l’indice de masse corporelle de l’enfant est élevé, plus les membranes du cœur sont épaisses. Les vaisseaux sanguins des enfants obèses présenteraient également des caractéristiques semblables à celles des adultes souffrant de maladies cardiovasculaires.
De plus, la pression diastolique (mesurée lors du relâchement du cœur) ainsi que la pression systolique (au moment de la contraction du cœur) sont plus importantes chez les adolescents au plus fort indice de masse corporelle. Ceci traduit les efforts supplémentaires que doit accomplir la pompe cardiaque en cas d’obésité. En cas d’obésité marquée, ces symptômes précurseurs d’une insuffisance cardiaque sont à prendre d’autant plus au sérieux que les sujets sont jeunes.
L’obésité juvénile est également associée à une hausse marquée du risque de diabète de type 2, facteur de risque reconnu des maladies cardio-vasculaires, ce qui peut hypothéquer considérablement l’espérance de vie en bonne santé.
Quelles sont les causes de l’obésité infantile ?
D’une manière générale, plusieurs facteurs participent à la survenue de l’obésité :
- Une alimentation déséquilibrée, trop riche en glucides et en lipides
- Le manque (voire l’absence) d’exercice physique
- Une consommation calorique excessive, contre une faible dépense énergétique
- Les troubles du comportement alimentaire (boulimie, grignotage…)
- Le stress
- L’insuffisance de sommeil
- L’irrégularité ou l’absence des repas
- La prédisposition génétique
- Les antécédents familiaux
- Des virus
- La prise de certains médicaments
- La composition de la flore intestinale
- Les conditions sociales
- Les difficultés scolaires
- Les influences culturelles.
Quelle prise en charge de l’obésité infantile ?
Une prise en charge pluridisciplinaire est nécessaire car l’obésité infantile est souvent multifactorielle. Parce qu’il est essentiel de s’intéresser aux habitudes de vie de l’enfant et de repérer rapidement les éventuelles difficultés psychologiques, sociales, scolaires, associées en tant que causes ou conséquences de l’obésité, la HAS recommande également cette approche multidisciplinaire.
A noter :
Le rôle du médecin traitant ou du pédiatre sont essentiels. Grâce à un suivi régulier de l’indice de masse corporelle (IMC) et à l’analyse de l’évolution de la courbe de corpulence, il peut repérer précocement les enfants et adolescents à risque de développer un surpoids ou une obésité. Cette prise en charge précoce pourrait également permettre aux enfants obèses de retrouver rapidement un poids normal.
Chez les enfants, la prise en charge de l’obésité doit comprendre
- L’analyse des changements du comportement alimentaire, afin de rétablir l’équilibre nutritionnel
- La pratique d’exercices physiques adaptés à la capacité de l’enfant
- La diminution des activités sédentaires, qui maintiennent les enfants à rester assis sans dépenser énergétiquement
- L’accompagnement psychologique, afin d’augmenter l’estime de soi.
Les traitements médicamenteux sont à éviter. Par ailleurs, la chirurgie est à proscrire.
Quelle activité physique ?
La pratique d’au moins 60 minutes d’exercice physique par jour est nécessaire pour tous les enfants mais encore davantage pour les enfants souffrant d’obésité.
La marche, l’atout cœur de votre enfant obèse ou en surpoids !
L’OMS recommande 10 000 pas chaque jour, mais si votre enfant en fait déjà 5 000, c’est un bon début. Marcher 30 minutes chaque jour, chez un enfant en net surpoids, motivé et aidé dont les apports énergétiques sont contrôlés (association nécessaire), est une prescription excellente pour sa santé. Bien entendu, celles et ceux qui l’entourent doivent aussi donner l’exemple car l’enfant a besoin de se projeter, d’imaginer les résultats et les gains que ça va lui apporter: confiance en soi, bien être, intégration sociale, etc.
Les sports et les activités de plein air c’est super !
Ceux-ci sont non seulement des outils de prévention de l’obésité, mais ils contribuent également à améliorer la santé mentale et émotionnelle des enfants obèses.
- Le football, le basket-ball, le volley-ball constituent une excellente alternative pour rompre avec l’habitude du mode de vie sédentaire et promouvoir des habitudes de vie saines.
- La pratique régulière de la natation ou du cyclisme évite non seulement les effets de la sédentarité, mais apporte également de nombreux bienfaits physiques et psychologiques aux enfants. Ces deux sports renforcement également leur capacité cardiovasculaire.
Quelle alimentation privilégier ?
Opter pour des aliments de saison et des produits locaux est une règle nutritionnelle essentielle pour lutter contre l’obésité des enfants. N’oubliez pas également combien il est essentiel de transmettre l’envie de manger et surtout de bien manger à vos enfants.
Evitez le grignotage et se limiter à 3 repas et à 1 à 2 collations par jour. Eteindre les écrans pour manger en famille.
Privilégiez :
- Des légumes secs
- Des fruits à coques comme les noix et les noisettes
- Du pain complet, du riz et des pâtes complets, de la semoule
- Du poisson maigre 2 x par semaine
- Des produits laitiers 2 x par jour
- Des fruits et des légumes de préférence frais
- Des matières grasses en petites quantités
- De la volaille
A proscrire : les produits trop gras, trop salés et trop sucrés ultra transformés, la charcuterie, les viandes de porc, de bœuf ou de mouton.
Quelle prise en charge psychologique ?
Dramatiser les discours ne fera pas accéder plus rapidement l’enfant obèse à une motivation à perdre du poids. D’autant que les angoisses de mort sont souvent plus présentes dans les discours des professionnels que dans les discours des enfants ou des adolescents, même en situation d’obésité morbide.
A noter : certaines attitudes familiales, très permissives ou très rigides peuvent favoriser l’obésité de l’enfant. Certains troubles de l’humeur, une dépression, peuvent faire émerger un surpoids ou une obésité. À l’inverse, le surpoids et l’obésité peuvent aussi favoriser l’émergence de symptômes dépressifs chez l’enfant ou l’adolescent. La maltraitance, les carences de soins, les sévices favorisent aussi la prise de poids et l’obésité.
L’accompagnement psychologique vise surtout à soutenir la motivation de l’enfant dans l’adoption de nouvelles règles hygiéno-diététiques, à valoriser son estime de soi et l’image de son corps. Le fait de perdre du poids va souvent aider l’enfant à aller mieux, à prendre confiance en lui et à éviter le blues de l’enfant en surpoids.
Comment aller plus loin pour lutter contre l’obésité infantile ?
Dans un rapport publié en 2019, les sages de la « Cour des comptes » ont jugé insuffisantes les mesures prises pour lutter contre l’obésité infantile.
« Pour améliorer la qualité nutritionnelle des aliments, les pouvoirs publics ont (…) choisi une méthode incitative reposant sur le volontariat des industries agroalimentaires. Or, les résultats obtenus par cette autorégulation montrent aujourd’hui leurs limites. Au vu des résultats encourageants mais encore insuffisants de la politique de prévention et de lutte contre l’obésité, les pouvoirs publics devraient travailler à l’adoption d’une régulation plus contraignante.»
Quelles nouvelles mesures pourraient être mises en place ?
- Limiter les taux de sel, de sucre et de gras dans les aliments industriels
- Interdire certaines publicités pour les aliments trop gras ou trop sucrés à destination des enfants
- Rendre obligatoire le NutriScore – échelle de couleurs qui note la qualité nutritionnelle des aliments industriels – qui se heurte à l’opposition d’une partie des industriels, en particulier de nombreuses entreprises multinationales, notamment celles produisant des boissons ou aliments très sucrés et/ou gras
- Taxer davantage les aliments trop gras ou trop sucrés
Pour conclure, la lutte contre l’obésité infantile est un combat collectif.
Il doit impliquer les politiques, les autorités de santé publique, le corps médical, les géants de l’agroalimentaire et de la grande distribution mais aussi chaque famille et chaque citoyen. En luttant contre l’obésité des enfants nous lutterons également pour un environnement plus sain et plus écologique valorisant les circuits courts respectueux des saisons. Ces aliments frais issus des circuits courts doivent pouvoir être accessibles à tous, y compris aux plus précaires qui sont soumis aux pièges de la mal-bouffe présentée comme peu onéreuse. Lutter contre l’obésité des enfants c’est aussi retrouver le goût de cuisiner des produits frais et de se mettre à table en famille en éteignant tous les écrans. C’est également rappeler combien l’activité physique est essentielle au bien-être de tous et notamment des plus petits. Le mouvement c’est la vie, une vie plus agréable, une vie en bonne santé.
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Sources :
https://www.who.int/fr/health-topics/obesity
https://www.france24.com/fr/france/20210630-l-ob%C3%A9sit%C3%A9-des-jeunes-en-forte-progression-en-france
https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/confinement/il-y-a-plus-d-enfants-obeses-depuis-la-crise-sanitaire-selon-une-etude-menee-en-france_5103691.htm
https://www.ameli.fr/medecin/sante-prevention/enfants-et-adolescents/un-enjeu-de-sante-publique